Grand fracas au réfectoire ! Notre vieux casier à bouteilles, après des années de bons et loyaux services, vient de rendre le dernier soupir, laissant notre pauvre Sœur, qui terminait tranquillement de mettre le couvert, les pieds dans l’eau, entourée de bris de verre, l’anse devenue inutile à la main, plutôt déconcertée d’avoir mis en œuvre, de façon fort involontaire, les mystérieuses paroles du Livre des Juges : « Ils sonnèrent du cor et brisèrent les cruches qu’ils tenaient à la main » Jg 7,19
Nous qui étions si fières d’avoir été bien en avance sur l’Encyclique du Pape François «Laudato Si» en réutilisant depuis des années nos bouteilles d’eau en verre !
Les dégâts réparés, la vie reprend, mais le manque de cet objet, apparemment si banal, se fait bientôt sentir. Voilà que l’absence de notre casier en plastique vient nous interroger… Avons-nous tenue pour acquise sa durabilité sans faille et avons-nous arrêté d’en prendre soin ? Avons-nous été attentives à déceler ses fissures et les signes avant-coureurs de sa rupture ? Avons-nous su apprécier son utilité au quotidien et en rendre grâce ?
Plus largement, comme le prophète qui « ne brise pas le roseau froissé et n’éteint pas la mèche qui faiblit », (Isaíe 42,3) qu’en est-il de notre sensibilité à ce, et surtout à CEUX qui nous entourent ? Savons-nous encore voir les services rendus au quotidien, dans la discrétion, et les remercier ? Savons-nous encore observer les signes de lassitude, écouter les paroles de détresse, prévenir les découragements de ceux qui nous sont proches ? Nous réjouissons-nous de leurs talents et de leurs joies ? Voilà un beau chemin de conversion pour ce temps de Carême…
Jésus dans l’Évangile sait poser sur les autres ce regard qui discerne leur grandeur dans la faiblesse, leur fragilité dans la force.
Le regard de Jésus sur le monde. Auteur inconnu, |
Ainsi loue t’Il l’obole de la pauvre veuve : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres » Mc 12,43
Il discerne les doutes et les interrogations de Nathanaël : « Quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu » Jn 1,48
Il prévient et accueille la faiblesse de Pierre qui pourtant paraît être un roc : « Quand tu seras revenu, affermis tes frères » Lc 22,32
Il partage la joie toute simple de la femme retrouvant sa monnaie perdue : « Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue » Luc 14,9
Il offre un espace et un temps de repos au disciples fatigués : « Venez à l’écart, dans un endroit désert et reposez-vous un peu » Mc 6, 31, ou encore : « Venez manger » Jn 21, 12
Il nous invite à cultiver cet espace intérieur d’écoute et d’accueil où les autres peuvent venir se reposer, se ressourcer, se reconstruire, Il nous appelle à les porter par notre regard bienveillant, notre attention et notre prière.
Et voilà où nous élève notre cher vieux casier à bouteilles !
« Bienheureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur », entendrons-nous bientôt dans la liturgie de la nuit pascale.
Plus modestement, bienheureuse casse, qui pourrait nous donner un cœur plus sensible et un regard neuf !
Les saints sont à côté de nous. Les voyons-nous ?
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